- KIRCHHOFF (G.)
- KIRCHHOFF (G.)Gustav Robert Kirchhoff, physicien allemand, né à Königsberg et mort à Berlin, a développé avec Robert Wilhelm Bunsen l’analyse spectrale et découvert la loi du rayonnement qui associe son nom à l’avènement d’une période nouvelle et brillante de la physique moderne. En étudiant le phénomène d’absorption, il a fait de la spectrographie un moyen d’analyse chimique systématique d’application universelle. Par ailleurs, il a déterminé les règles des réseaux électriques et apporté d’importantes contributions à l’électricité et à l’élasticité, ainsi qu’à l’hydrodynamique, la thermodynamique et l’optique. La fécondité de son œuvre illustre de manière exemplaire son type de recherche, qui unit l’expérimentation et la théorie en laissant de côté le souci de l’explication physique.Premiers travaux sur l’électricitéKirchhoff étudie les mathématiques et la physique auprès de Franz Neumann, véritable fondateur de la physique mathématique en Allemagne. Dans un premier travail (1845), il établit les lois qui portent son nom pour les réseaux électriques, dont l’électrotechnique fera un important usage (loi des nœuds: la somme des intensités des courants convergeant en un nœud du réseau est égale à la somme des intensités des courants qui en partent; loi des mailles: dans un circuit fermé, la somme des tensions est égale à la somme algébrique des produits des courants par les résistances élémentaires, une fois choisi le sens du courant).Après avoir obtenu l’habilitation universitaire en 1848 à Berlin, il est nommé professeur extraordinaire à Breslau en 1850, où il fait la connaissance du chimiste Bunsen, qui apprécie ses qualités particulières d’expérimentateur. Leur collaboration se poursuit à Heidelberg, où il accède à la chaire de physique théorique et expérimentale en 1854.Par une série de travaux sur l’électricité, dont l’idée directrice est l’action à distance, il étend la théorie de l’électricité et contribue à élaborer la théorie du champ dite de Faraday-Maxwell: en 1849, il montre, d’après des recherches de Rudolph Kohlrausch, l’identité de la force électromotrice (tension) et de la différence de potentiel en électrostatique. (En 1856, Wilhelm Weber et Kohlrausch établissent que le rapport entre les intensités mesurées de courants électromagnétiques et électrostatiques est égal à la vitesse de la lumière.) L’application de ces résultats permet à Kirchhoff, en 1857, par la résolution de l’équation des télégraphistes (équation différentielle des ondes, non homogène, pour la circulation du courant dans les conducteurs), d’annoncer que les ondes électriques se propagent à la vitesse de la lumière dans les fils minces. L’équation des télégraphistes et ses solutions ont acquis une grande importance pour les guides d’ondes, tandis que les équations de milieux conducteurs étendus (1857), considérées comme équations différentielles locales, contiennent en germe la notion d’action à distance en électrodynamique. Elles resteront cependant incomplètes tant qu’elles négligeront le courant de déplacement de Maxwell, qui est à la base de la théorie électromagnétique de la lumière. Kirchhoff applique ces équations à la théorie des oscillations électriques (1864), en déduit, en accord avec les travaux de William Thomson, la formule et les conditions d’apparition des oscillations électriques, qui sont conformes aux résultats expérimentaux de Berend Wilhelm Feddersen.Autres thèmes de rechercheDe la série de travaux impressionnants menés par Kirchhoff dans les domaines les plus divers de la physique, il faut encore détacher son application de la théorie mécanique de la chaleur aux processus physiques et chimiques (1858), ses apports à la théorie de la diffraction, de la réflexion et de la réfraction de la lumière, et sa détermination des constantes de Poisson en élasticité.Il découvre avec Bunsen le caractère spécifique du spectre de la lumière émise par chaque corps chimique et ajoute le césium et le rubidium à la liste des éléments connus. Il montre aussi que les corps interposés entre la source lumineuse et le spectroscope absorbent les raies du spectre qu’ils sont eux-mêmes capables d’émettre; sa collaboration avec Bunsen atteint son point culminant avec l’exploration des spectres d’émission et d’absorption des éléments chimiques (1859-1861).En 1865, Kirchhoff est élu vice-recteur de l’université de Heidelberg. L’université de Berlin lui offre une chaire en 1870; il accepte finalement sa nomination comme professeur de physique théorique en 1875. Ses Leçons de physique mathématique: mécanique (Vorlesungen über mathematische Physik: Mechanik ), publiées en 1876, montrent sa méfiance à l’égard de la notion de force qu’il considère comme une notion auxiliaire par rapport au mouvement.Se limitant à la «description» des phénomènes – et non à leur explication –, il renonce non seulement aux hypothèses incertaines, mais également à la mise en lumière de causes et de relations profondes. Cette manière d’envisager les choses, tout en ne versant pas dans les excès de la phénoménologie, s’est imposée à Kirchhoff du fait de l’absence de progrès créateur dans d’autres domaines de la physique trop dominés par la théorie.L’achèvement de son œuvre en matière de physique théorique a donné lieu à des publications posthumes.Loi du rayonnement de KirchhoffLes découvertes en matière de spectroscopie débouchent sur l’observation, dans le spectre solaire, des raies de Fraunhofer (raies sombres d’absorption), désignées par Joseph von Fraunhofer par les lettres A à H, et dont la longueur d’onde est égale à celle des raies claires (raies d’émission) des spectres de flammes terrestres. Quelques chercheurs ont examiné de plus près les raies spectrales ainsi que la transformation des raies sombres en raies claires par des sources lumineuses terrestres. Bien des explications théoriques de cet effet (George Gabriel Stokes, Anders Jonas Ångström) se sont approchées de celles de Kirchhoff et Bunsen, mais elles sont restées trop indéterminées.L’exactitude des expériences de Kirchhoff et Bunsen fut rendue possible par l’invention ou l’amélioration d’appareils appropriés: spectroscope à prisme de flint-glass, brûleur à grain de sel de Bunsen.Le résultat de leurs observations (1859) consiste tout d’abord en ceci: avec une lumière solaire claire, la raie sombre D (raie du sodium) est renforcée par une flamme de sodium installée entre le spectroscope et l’incidence de la lumière solaire, tandis que cette même raie sombre D s’éclaircit si l’on diminue la clarté solaire. Kirchhoff en déduit la loi fondamentale du rayonnement: à température et longueur d’onde égales, le rapport des pouvoirs d’émission et d’absorption est constant et indépendant des propriétés du corps. Le pouvoir d’émission est égal à celui du «corps noir» défini par Kirchhoff comme un corps qui absorbe la lumière, quelle que soit sa longueur d’onde, et dont le rayonnement ne dépend que de la température. Cette loi permet d’expliquer l’apparition des raies de Fraunhofer par l’absorption dans l’enveloppe gazeuse du Soleil de certaines fréquences de rayonnement du noyau solaire.Les recherches de Kirchhoff et de Bunsen ouvrent la voie au progrès dans trois directions: l’analyse spectrale se révélera un auxiliaire de poids pour l’astrophysique. L’exploitation des lois empiriques des séries spectrales (Balmer, Ritz, Paschen, Rydberg) conduira à l’interprétation du rayonnement lumineux (Niels Bohr, 1913). Enfin, la découverte de la relation entre le pouvoir d’émission, d’une part, la longueur d’onde et la température, de l’autre, conduira à la loi du rayonnement de Planck (1900) qui est à l’origine de la théorie des quanta.
Encyclopédie Universelle. 2012.